dimanche 9 mars 2008

30 - Une valse dans des ruines industrielles

(Romantisme en Picardie)

Mademoiselle,

Vous entrez dès maintenant dans l'univers intime de mes molles errances poétiques. Figurez-vous que je vous ai rêvée dans le Nord de la France, entre Amiens et Arras, peut-être un peu plus haut, un peu plus loin dans les brumes de ces terres oubliées.

Dans cette rêverie nous étions vous et moi au bord d'un champ de démolition, égarés dans ce triste asile telles deux silhouettes surgies du brouillard, déambulant parmi des briques brisées éparses et quelques minces pans de mur qui avaient formé autrefois un complexe édifice, dans une grande, plate étendue sans nulle habitation, sous un ciel terne, morne, éteint.

En fait il s'agissait d'une usine désaffectée datant de la fin du XIXème siècle, construite selon les règles de l'art de l'époque. C'étaient des ruines industrielles comme on en voit dans le nord du pays, faites essentiellement de briques et de friches. Nous cheminions paisiblement dans ce site déserté, côte à côte, confusément témoins du glorieux naufrage d'un passé que nous n'avions jamais connu.

Tant de laideur, dans cette atmosphère onirique, devenait troublant. L'ancienne usine en briques était transfigurée par sa lente agonie, sa déchéance lui conférant un aspect de noblesse. Errant avec vous en ces lieux désolés, je sentais grandir en moi un puissant et étrange sentiment d'amour.

Je stoppai le pas et, prenant votre main dans la mienne, je vous fis face. Mon regard triste se fit tendre sur votre visage. Je posai l'autre main contre votre hanche et, sans toutefois rapprocher plus mon corps du vôtre, je vous entraînai dans une danse improvisée. Sous une brise fraîche, au milieu des herbes folles et des murs de briques éboulés, insensiblement nous nous mîmes à valser. Bientôt pris dans ce tourbillon confidentiel et surnaturel, nous entrâmes en contact intime avec le décor mélancolique qui nous entourait.

Au gré du vent qui tournoyait autour de nous, dévié au milieu de la plaine par les hauts murs encore debout de la vieille usine, vos cheveux blonds volaient, s'enroulaient comme des flammes vives dans l'air, avec des mèches qui tantôt s'agitaient dans votre cou découvert, tantôt dissimulaient à demi votre visage. Valsant maladroitement, nous trébuchions parfois contre les briques enfouies dans les herbes, et selon les caprices de nos pas de danse mal assurés, nous allions et venions parmi les ruines muettes.

Puis, cessant le jeu, nous demeurâmes un instant immobiles debout dans l'herbe qui dissimulait nos chevilles. Pudique, je posai mon regard sur votre visage. Puis contre votre joue je passai la main. La brise se mit à battre doucement vos tempes et entre mes doigts s'emmêlèrent quelques mèches déliées de votre chevelure.

Là, tout devînt étrangement beau : votre visage dans le vent, baigné dans cette pesante atmosphère prit sous mon regard des allures insolites... Vos cheveux étaient des vrilles sous le frisson d'Éole, des filaments impondérables qui fuyaient ma caresse. Vos yeux qui clignaient n'étaient plus que deux échos de la brume, répandant une grande mélancolie, et leurs pupilles vagues faisaient aimer passionnément la bruine. Votre sourire incertain renforçait l'ambiance irréelle de ce cloître sauvage, la propageait au-delà des briques qui gisaient dans les herbes, vestiges d'un monde révolu, au-delà des hauteurs éphémères des murs en sursis, témoins mornes de notre valse impromptue.

J'entendais le vent, je le sentais jouer autour de vous, j'avais un peu froid, et vous Mademoiselle, vous deveniez belle et triste comme ces herbes, ces briques, ce champ de ruines.

Raphaël Zacharie de Izarra

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Vidéo : "Les mouvements de l'âme"

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